A Little Messed Up ft Ama

"Tu veux bien me remplacer à Nemi ? C'est juste le temps d'un week end. J'assure la permanence de la branche technologie. J'te jure ma femme va accoucher et je dois être auprès d'elle." Qu'il lui avait dit, le gaillard. Il était de notoriété public que Marcello n'avait aucune femme et qu'il enchaînait les conquêtes masculines dans certains bars du coin. La dolce vita des grandes villes italiennes plaisait un peu trop à cet homme pour qu'il reste consciencieux dans son travail. Mais on ne disait pas à Arthur ces choses là. Et quand on le tenait au courant des potins, il était tellement plongé dans ses vagues de créations qu'il n'écoutait pas. Il ponctuait la conversation de "hum hum", "oui", "ah oui ?" alors, il était toujours mis au courant à la dernière minute. Dans ce cas là, il avait accepté de mauvaise grâce, ça le dérangeait un peu qu'un père soit bloqué à Nemi plutôt qu'auprès de sa compagne. Il avait commencé à entamer un flirt assez étrange avec son voisin de pallier, à coup de partage de café (la cafetière étant décédée, paix à son âme, si jeune, au cours du déménagement.)

Ainsi, il avait fourré dans une sacoche quelques vêtements qui étaient roulés en boule dans ses tiroirs sans vraiment mater de quoi il s'agissait, avait prit soin de prendre ce prototype sur lequel il travaillait. Un pistolet traceur contenu dans une montre, oui, on regardait d'un œil certains dessins animés, ici. C'était parfois un bon réservoir à idée foireuses. La montre pouvait donc envoyer de minis mouchards, servait à écouter les conversations aux alentours, affichait sur la carte la géolocalisation de l'homme -PRESQUE- précisément, à vol d'oiseau, dirons-nous. Elle disait également l'heure à voix haute lorsqu'on appuyait sur un bouton, dans dix langues différentes ! Le seul soucis c'est que le bouton s'était grippé, et qu'elle n'arrêtait pas de faire l’horloge parlante toute la journée. Si dans un premier temps ça n'avait pas dérangé l'homme, il avait finit par l'exploser à coup de marteau, et s'était décidé à faire un nouveau prototype.

Toujours était-il que trois heures après avoir embarqué, l'homme touchait le sol Italien. Une voiture l'attendait là bas. Un homme avec une pancarte portant son nom. Cette pancarte manquait de fioriture à son goût. A Tokyo ils dessinaient toujours des petits chats multicolores. Tout était si sobre ici. Enfin... Il entra dans la voiture, piocha une poignée de bonbons à la menthe dans le vide poche, et en une heure, il avait retrouvé les grands -trop grands- hangars de Nemi. L'homme avait tout prévu et avait sorti de son sac une paire de rollers. Il connaissait trop bien les lieux, et comment cela pouvait prendre des PLOMBES d'aller d'un point à l'autre. Il avait posé ses affaires dans un coin, occupé un plan de travail pas trop loin de l'entrée, et s'occupait de cette fameuse montre. La loupe grossissante qu'il portait sur le museau l'aidait dans cette entreprise. La radio crachotait le dernier tube de Avril Lavigne. Arthur avait vu un reportage il y a de cela une semaine, qui clamait que la chanteuse était morte il y a de cela dix ans et avait été remplacée par une autre. Une machine ? Une créature capable de changer de forme à volonté ? Ce monde était fascinant parfois. La porte s'ouvrit pour laisser entrer un homme, en même temps qu'une voix grésillante sortait de la montre pour indiquer l'heure.

"Oh... La paix !" Qu'il lâche à l'adresse de la montre, s'essuyant les doigts à un torchon qui pendait, accrochée à son pantalon. "Bonjour j'peux faire quelque chose pour vous ?"

Mais c’était incroyable ça, putain ! A croire qu’ils étaient aussi bien fournis et entraînés que des stormtroopers ! Pour quel genre de cons ils étaient passés encore ? Ama en avait simplement ras le cul. Y avait rien qui marchait dans cette abbaye de merde, et il était encore revenu de mission avec un macchabée et deux blessés graves. Il n’avait pas pu s’empêcher d’être soulagé en songeant que Jude n’en faisait pas partie, avant de se foutre une tarte mentale pour sa faiblesse. Pourquoi il s’inquiéterait pour lui plutôt que pour un autre ? Tous, autant qu’ils étaient et lui compris, n’étaient que des pions de l’Inquisition face aux créatures démoniaques qui rôdaient dans les ténèbres du monde.

Du coup, après avoir pris sa douche et changé ses fringues, Amadeo débarqua comme une furie dans les ateliers. Il avait besoin d’armement digne de ce nom, marre des fusils à la con. Il était tombé sur plus gros que lui au Maroc (au MAROC en plus ! Il se passe JAMAIS rien là-bas bordel) et son équipe en avait payé le prix. S’ils avaient été mieux équipés, la donne aurait changé, ça ne faisait aucun doute.

Après, les ateliers c’était pas vraiment son endroit préféré. Il aimait bien les nouveaux joujoux mais se contrefoutait de comment ils étaient créés ou de qui avait fait quoi. Pire encore, quand il arriva pour voir qui était là, il failli faire demi-tour. Qu’est-ce qu’il était casse-couille cet Arthur. Il lui donnait même pas l’excuse d’être impoli.

— Ouais. Nos fusils sont nuls à chier, on a encore dégusté, sur un banc de fourmis géantes.

Il jeta sur l’établi son propre fusil, abîmé par endroit par l’acide des myrmekes. Pourquoi y avait une fourmilière dans le Sahara, c’était aussi ce qu’il se demandait, mais le renseignement c’était pas son domaine. Il irait gueuler sur Fabien plus tard.

— Il nous faudrait des balles perçantes ou quelque chose du genre, ou alors moins fragile parce que là bon, deux jets d’acide et c’est pas mieux qu’un gourdin votre truc.

Amadeo bougonna encore un peu pour la forme, son regard balayant le reste de l’atelier pour voir s’il y avait pas quelqu’un d’un peu moins con (et d’un peu plus viril) à qui parler.

La gestuelle de l'homme qui venait de pénétrer dans l'établis parlait pour lui pour deux points. Le premier, c'est qu'il était en pétard. Ah oui Arthur était mauvais pour interpréter les expressions faciales des gens, il avait même pensé à un moment à se bricoler quelque chose qui interpréterait ça pour lui, mais là, entre le bruit de l'arme qui raisonne avec force parce que claqué sur l'établis, la démarche du gaillard, et l'impression qu'il allait se faire bouffer, les signaux qu'il renvoyait était clairs. La deuxième information, c'était que manifestement, l'gaillard était de la branche "combat" et... Arthur le reconnu sans peine. Le sourire de l'inventeur perdit peut être un peu de sa superbe. Mais il plissa les yeux avant qu'un sourire amusé étirait ses traits.

"Nuls à chier, pas adapté, ou juste mal employé ?" Qu'il lance, avant de regarder l'arme un moment. La détaillant. "Définitivement mal adapté, m'encastrez pas dans le mur s'il vous plaît j'suis là juste pour la journée, vous pourrez gueuler après mes collègues habituels à partir de demain." Putain d'Marcello qui s'était fait la belle en le laissant dans cette situation, son bébé avait intérêt à pas être fictif... Vraiment. Sinon... Il se pouvait qu'Arthy dissémine quelques crasses à l'attention de son collègue, rancunier tenace et bon revanchard de toujours.

Et il était calme, le gamin, peut être parce qu'il en avait vu d'autres, peut être parce qu'il n'avait pas vraiment de notion de survie, comment savoir, mais il n'était pas du genre à se laisser aboyer dessus. appuyant sur un bouton, ouvrant quelques pans de murs sur une faramineuse collection, il regardait à droite, à gauche, ses paumes effleurant légèrement les armes, avant qu'il ne sorte un fusil sniper à lunette de visée, qu'il pose devant le mec, le tout accompagné de deux jeux de balles.

"On a tout ce qu'il faut, mais ces balles là, elles marchent pas pour certaines créatures, p't'être mon collègue était pas concentré quand il vous a fourni le matos. P't'être pas, j'suis pas dans sa tête. Mais on a pas encore trouvé le moyen de créer des trous noirs pour faire disparaître les monstres d'un simple claquement de doigt, m'sieur Dell'Aria" Il avait pas peur, ou peut être que l'ingénieur n'avait rien à perdre, une absence d'instinct de survie. "Celles là elles sont puissantes et l'alliage est solide, et une fois plantés dans la chaire, elles explosent en plusieurs morceaux. En gros... ça fait des gros trous mais c'est pour la distance. Et celles là... Disons qu'elles libère une substance acide qui fait fondre un peu tout type de chaire. Sinon..." Il dépose une autre arme. "Le laser, c'est l'avenir y paraît. J'aurais tendance à dire que pas vraiment mais bon. J'ai des collègues qui parlent que d'ça."

Il croise les bras, s'installant sur une des chaises. "Vous voulez que j'vous répare votre truc là ?" Qu'il sort pointant du doigt l'arme. "Ou alors vous voulez juste vous passer les nerfs sur quelqu'un qui ripostera pas ? Auquel, et avec tout le respect que j'vous dois, c'est loupé." Définitivement, on peut parler d'une absence d'instinct de survie. P't'être un peu de connerie sous jacente.

Y en avait un qui avait zéro instinct de survie ici. Ama avait une expression sur le visage qui était sans équivoque : essaie de l’insulter et tu vas t’en prendre une à t’envoyer en orbite autour de Jupiter. Pourtant, Amadeo ne répondit pas de suite à la provocation à peine voilée d’Arthur. Mal employés, hein…? Comme si c’était de leur faute s’ils s’étaient retrouvés face à des fourmis géantes alors que rien ne le laissait présager ! Alors ouais, il avait bien envie de l’encaster dans le mur pour ses paroles, mais Ama avait aussi un peu de respect pour l’honnêteté du gars. Et d’ailleurs, il était où ce Marcello ? C’était lui qui se prendrait une rouste tiens. Une bonne droite pour lui remettre les idées en place à ce con, ça lui ferait pas de mal.

Arthur avait l’air de s’y connaître déjà un peu mieux : gardant sa colère au fond de lui, Ama examina les armes qu’on lui proposait. Lui n’était pas contre du laser, mais d’un autre côté c’était pas lui qui mettait au point le matos, et le gamin avait l’air de savoir ce qu’il faisait.

— J’espère que t’as raison hein, pour le laser. Je prends les deux sets de balles, en attendant. T’es sûr que ça sera efficace contre des fourmis géantes hein ?

Oui parce qu’il ne comptait en rester là. Ils avaient dû battre en retraite face à la menace, et Ama détestait ça. C’était de sa responsabilité de revenir sur place pour finir le boulot. Et cette fois, il comptait bien être bien préparé.

Il poussa le fusil vers Arthur quand il lui demanda s’il voulait qu’on le lui répare au passage. Ça ne pouvait pas faire de mal, hein et puis c’était vraiment pour ça qu’il était venu.

— Répare-le ouais. Et puis, passer ses nerfs sur quelqu’un qui réplique pas n’a aucun intérêt.

Amadeo esquissa un petit sourire en coin.

— T’es complètement cramé.

Il avait dit ça sur le ton du compliment, et semblait s’être bien calmé. Un peu comme s’il l’aimait bien aussi, ce gusse. Il avait cette franchise qui confinait à l’inconscience qu’Ama appréciait. Aurait-il essayé d’enrober tout ça dans du sucre que le combattant aurait sûrement voulu l’encastrer, oui. Le pouvoir de l’esprit de contradiction.

— Tu peux me faire ça pour quand, à peu près ?

Les noms des emmerdeurs passaient vite, dans les tuyaux de la branche technologie. Suite à quelques expériences désastreuses ou incroyablement gênantes. D'autres auraient sans doute fuis en voyant qui était entré dans la pièce pour pousser son coup de gueule. Appelez cela comme vous voulez : idiotie sans nom ou dissociation soudaine de la situation, Arthur n'avait pas comprit tout de suite, et ne s'était pas senti outre mesure heurté. Les erreurs, ça arrivait et ils bossaient tous dans le même but commun. Les morts, c'était le dommage collatéral de certains, et si ils arrivaient à vivre avec, tant mieux avec leur conscience. Le gamin cogite, réfléchit, et c'est limite si il ne laisse pas Amadeo sur le bord de la route alors que chemine sa pensée et fleurissent ses idées. Son regard se plonge dans celui de l'inquisiteur, alors qu'il pose une main sur le premier jeu de balles.

"Celles si feront fondre la cuirasse et permettront d'utiliser celles là pour faire de gros dégâts et finir le travail. Cet acide, il ronge les métaux les plus solides. J'ai jamais fais face à ces créatures je suis pas sur le terrain, mais j'vous assure qu'on l'a vu dévorer des tas de portes blindées et autres trucs en tout genre." Ouais... On savait "s'amuser" par ici. Le brun hausse les épaules, dans cette nonchalance propre à son statut de grande perche filiforme. "J'l'ai même vu faire fondre le bras d'un collègue, alors je vous conseille de pas les abîmer, c'est tout. Normalement c'est la chaleur du coup de feu, allié au choc lorsqu'elle atteint sa cible qui permet de libérer la substance, mais on sait jamais. Du reste si avec tout ça vous ne parvenez pas à les anéantir on pourra dire que l'inquisition dispose de ses propres stromtroopers." Si l'on aurait pu parler d'art et de manière de balancer les fions pour toute autre personne, l'inquisiteur mettait naturellement les pieds dans le plat sans trop s'en rendre compte. Du moins... Dans un premier temps. Ensuite, son côté garce ressortait toujours. Le résultat était toujours le même, il s'en rendait compte, associait le tout d'un demi sourire ou de la pire des formules de fausse politesse.

Parce que y'avait eu des accidents, parfois, et y'en aura toujours, l'humain n'est et ne sera jamais infaillible. Se penser invincible, ça lui avait coûté deux doigts, la dernière fois. Arthur récupère le dit fusil, l'observant, ses doigts volants sur les différentes parties, celles fondues entre autre avec soin, évaluant quels pièces changer.

"Effectivement, j'rends pas les coups, je suis fichu de m'emmêler les pieds et de m'faire mal tout seul. C'est bien aimable de prendre ça en compte. Mon égo vous remercie" Qu'il lance avec ce demi sourire qui fait de lui, non pas un total simplet, mais un p'tit con, sous ses airs de mec hors de ses pompes. "Généralement c'est ce qui nous caractérise dans notre branche. Même si on pourrait en dire de même pour la votre, avec tout l'respect que j'vous dois hein." Il remonte ses lunettes sur son nez. "ça me prendra une heure, deux tout au plus. J'vais vous remplacer s'te lunette de visée là, elle a fait son temps. Maintenant on a des trucs un peu plus performants, comme j'disais l'autre fois à votre collègue de la branche renseignement. J'pense que les gens à qui vous avez affaire généralement ont pas mis à jour leurs connaissances là, ça d'vient critique."

Il sort sa mallette qu'il ouvre, alors que plusieurs étages de matos semblent se déployer comme un pop up. Il sort ses tournevis, commençant à démonter avec soin une arme qui n'est pas de sa création, mais dont il reconnaît la manière par coeur. Plus jeune, on les entraînaient en les faisant démonter et remonter différentes armes du matin au soir. Puis, on y avait ajouté des éléments défectueux, afin de vérifier qu'ils soient en mesure de se questionner. Parfois ça allait plus loin, parfois non. Il y avait les bras, qui fabriquaient, et les méninges qui tournaient, comme partout. C'était sans doute présomptueux de se présenter de l'une des parties ou au contraire, se dévaloriser que de se compter de l'autre. Arthur sifflote le dernier tube qu'il a entendu à la radio lors d'une de ses longues nuits d'insomnies, une musique pop qui rentre dans une esgourde pour ne jamais vraiment en sortir. De retour dans sa petite bulle, alors qu'il aligne avec soin les pièces, chacune a sa place. Ensuite ? Il allait nettoyer les pièces qui étaient encore en bon état en les plongeant dans les bacs à ultrasons, puis remplacerait les autres, par des tas de pièces qu'ils avaient en stock, c'était un puzzle géant, et l'inquisiteur les avait toujours aimés. Il ne faisait déjà plus attention à ce qu'il se passait autour de lui.