Les conséquences de l'emmerdement maximum [Malik]

Qu’est-ce qu’on se fait quand y a personne. Les doigts de Raf tapotent l’accoudoir du fauteuil de cuir un peu défoncé dans lequel il est assis, juste à côté de son comptoir. Depuis l’emplacement de ce fauteuil-ci – qui lui est strictement réservé et porte même un petit coussin moche fait par Patroclus – il est très simple de voir l’entrée de la boutique et de scruter les passants qui n’osent même pas s’arrêter à travers le verre légèrement granuleux de la porte vitrée. Ils n’ont pas de visage à cause de ça, mais Raf n’en a pas grand-chose à foutre des badauds qui ne rentrent pas chez lui. Ce qui l’intéresse, ce sont surtout ceux qui viennent dans l’optique de lui acheter des bouquins ou juste de flâner entre les rayonnages… Ainsi que ceux qui squattent le coin bibliothèque-boîte à livres qu’il a installé dans l’espace restant à côté du comptoir. Le système en lui-même de boîte à livres est une bonne idée, selon lui, mais l’Italien qui s’ignore n’a jamais supporté de voir lesdites boîtes à l’extérieur, exposées au froid, à la pluie, et aux gamins irrévérencieux qui déchirent les précieux ouvrages.
Alors il s’est dit que les fins de série pas achetées, les bouquins dont lui ou les autres ne veulent plus seraient bien mieux dans la chaleur de sa librairie. Et pas besoin de s’inquiéter qu’un petit malin se barre avec un de ses bouquins en vente en prétendant qu’il vient du libre service ! Chacun des livres en vente chez le brun est marqué grâce à l’aide d’une héraut de… Il sait plus exactement le nom de ce gars dans le panthéon slave… Velo ? Veles. Un petit sort de rien du tout qui les empêche de disparaître dans la nature tant qu’il n’a pas été dûment payé. Aucun risque.

N’empêche que tout ça ne sert à rien si on se fait chier comme un rat mort. Raf n’arrive pas à se concentrer sur le livre sur ses genoux, dernier sorti de Riordan. Oui, il aime la littérature jeunesse, entre autres. Il n’est pas difficile tant que c’est pas trop mal écrit. (Et le grand avantage de cet auteur est tout de même que ce n’est pas donné à tout le monde sur cette île de pouvoir lire des saloperies sur Zeus et le reste des connards mythologiques qui les ont choisis sans se prendre quelque malédiction à la gueule. Patroclus avait vachement apprécié. Puis c’est uncle rick. )
La sonnette résonne. Raf lève la tête, esquisse un mouvement pour se redresser et paraître un peu propre sur lui-même, rectifiant sa chemise par habitude. « Ah, c’est toi. Salut. »


Ce n’est que Malik, pas besoin de sortir les dizaines de formules de politesse et d’usage compliquées. Pas que ça soit un mauvais gars mais il vient ici depuis bien assez longtemps pour que Raffaele l’ait habitué à prendre ses aises. Quand il aura besoin de lui, il aura qu’à le sonner. Ce n’est pas comme s’il avait besoin d’aller lui demander « et vous aimez lire quoi ? Je peux vous aider ? » comme il fait à chaque fois qu’une personne ouverte semble paumée. C’est Malik.
Le libraire s’étire, referme son livre après en avoir corné la page et le range sous le comptoir avec les deux autres qu’il lit actuellement. Appuyé contre le bois patiné de celui-ci, il observe les mouvements de son potentiel client. (Ou alors il est juste venu taper la discut, ce qui peut fortement arriver. ) « Besoin d’aide ou je t’emmerde à parler et tu m’appelleras quand tu auras besoin de moi ? »