(FB) (Monzón) Fox on the run |ft Sasha

La nouvelle était arrivée un beau matin. Cela murmurait dans les couloirs de Nemi, comme toujours, et la rumeur enflait, enflait, monstre sans visage, passant de bouche en bouche, d'oreille en oreille et se modifiant, se transformant sans aucun doute pour prendre une autre forme. C'était une rumeur comme il y en avait beaucoup, et si d'habitude, l'on laissait Arthur en dehors de cela, si tôt l'information divulgée, si tôt l'information ensevelie sous autant d'autres, cette fois, plusieurs oiseaux étaient venus pépiter à son oreille, et l'avait sorti de sa bulle l'espace d'un instant. Assez pour que le gaillard, dès le lendemain, prenne un avion, puis une voiture, jusqu'à sa destination tant attendue, et à la fois redoutée. C'était en milieu de matinée, et après avoir fait des pieds et des mains, qu'il arrivait finalement dans une chambre sentant l'antiseptique. Les murs étaient blancs, comme dans n'importe quel hopital. Mais... Il n'était pas des moindres. Il avait beaucoup plus de fond que les autres, et surtout, ne soignait que les leurs.

Le gaillard, fourbi de gadgets en tout genre fourré dans son sac en bandoulière, boîte de chocolat dans une autre, frappe timidement à la porte, avant de ne passer que la tête, pour s'assurer, d'une part, qu'il n'interrompait rien, et d'autre part, qu'il ne s'était pas trompé, dans cet affreux dédale de couloir. On lui avait dit troisième étage, à droite, puis à gauche. Et une porte, qui n'était pas la bonne. Juste avant de se présenter en face, il était tombé sur un lit vide, puis avait remarqué que l'autre porte était légèrement entrouverte, juste en face, et que, de cette chambre lui parvenait le bruit de quelques scopes. Les bips bips aliénants.

"Salut. On parle que de toi dans le bâtiment de recherche de Nemi. D'habitude j'me fous des bruits de couloirs mais j'me suis dis que j'allais quand même venir te voir. J't'ai ramené une boîte de chocolat. Mais c'est peut être de mauvais goût en vrai. Donc j'ai acheté à l'aéroport ce truc... J'ai paniqué."

Et il rentre, ombre beaucoup trop grande, maladroite et mal à l'aise, qui dépose sur l'adaptable de la chambre un paquet de chocolats au caramel et une peluche. C'est un shiba, tout en longueur, duveteux, et surtout, à la texture moelleuse, comme le sont certaines peluches à la mode, au japon. Il finit par se poser sur la première chaise qu'il trouve. "Bon tu peux me balancer les chocolats à la gueule. J'ai vu le regard des infirmiers en venant. J'comprendrais."

L'ombre élégante, sans doute trop grande et maladroite pour cette chambre si exiguë reste là, un moment, sur le seuil, sans vraiment oser rentrer. Les rouages semblent s'activer, parfois, Arthur oublie qu'il n'est pas fait comme ses machines, et que l’imbroglio de muscles n'a presque rien à voir avec ces mécanismes qu'il affectionne tant. Sa démarche est raide, loin d'être aussi féline et fluide qu'il le voudrait. Comme si ces heures passées courbé sur quelques projets le faisait vieillir prématurément. C'est un petit sourire jovial qui lui échappe malgré toute l'angoisse qu'il a accumulé, on regard complice qu'il échange avec l'homme dans le fond de son lit. Collègue, sex friend, ex, Sasha n'a jamais pu se ranger dans une case. Parfois cela frustrait un peu Arthur qui ne savait pas vraiment comment se comporter face au brun.

"En fait ils disaient que t'étais mort au début. C'est rare de crever sur le terrain dans notre branche. Court-circuité ou désintégré par un laser, à la limite. Enfin y'a une partie qui me sortait que t'étais mort, l'autre que t'étais dans le comas. Hm... Marcus a sorti, je cite, "qu'elle t'avais bouffé la langue, merci dieu". J'sais pas si c'était de l'humour ou sincère." Il comprenait pas, et ce depuis toujours, les traits d'humour ou d'ironie que pouvait avoir ses collègues, il était premier degré le garçon, et les piques qu'il lui arrivait de siffler ne passaient pas par quatre chemin. Arthur se disait parfois qu'il était bien, dans son labo, seul, loin de ce monde, loin de ces gens. Il n'avait pas à se décortiquer les méninges pour savoir comment le monde et les interactions sociales fonctionnaient, et c'était un gain d'énergie assez important. Pourtant... Avec Sasha ça n'avait jamais été comme ça... Avec Sasha, il s'était senti vite à sa place, la place qu'il prend aujourd'hui à côté de ce lit d’hôpital.

"C'était quoi qui t'as choppé ?" Il sort un carnet en cuir avec des feuilles dépassant d'un peu partout, feuilletant les pages. "Sanglier ? Biche volante et bouffeuse d'hommes ?" Il se frotte le menton. "Y'en a un avec des sabots, un cul de castor et une gueule de poule qui pond des oeufs explosifs, mais j'crois qu'on se foutait de ma gueule quand on m'a raconté ça. Mais..." Il montre le dessin qu'il a fait. "Je suis presque fier de mon illustration !"

Et le chercheur laisse Sasha profiter de ses présents. Il avait dû se creuser la cervelle pour ne serait-ce que savoir si il devait venir avec quelque chose ou pas. Il avait laissé un pile ou face décider pour lui. "Heu... Manifestement y'a un adage qui dit "pas de bras, pas de chocolat" et... Du coup c'est mal venu d'apporter à un mec qui vient de perdre un bras du chocolat. Enfin... C'est toujours plus pratique de partir de Nemi avec du chocolat qu'avec... Quoi ? Une meule de fromage ?!" Il était survolté, Arthur, lorsqu'il disait ça, mais il s'arrête un moment, haussant les épaules. "J'avais rien sur le feu, et j'arrivais pas à me concentrer, je crois que j'étais inquiet. Je peux rester un peu si tu veux." Il montre ses prothèses d'un geste de la main, penchant doucement la tête. "J'suis déjà passé par là, tu voudras un peu d'aide dans les plans ? Tu veux quelque chose couleur chair ? Métallique ? Si c'est le cas, j'ai quelques idées d'alliages qui peuvent permettre une bonne mobilité. J'ai aussi beaucoup travaillé sur la transmission entre la prothèse et le cerveau, pour mes doigts. Les possibilités sont infinies !" Et Arthur était passionné quand il en parlait, comme toujours, il y avait des sujets sur lesquels il se sentait maître. Cela arrivait bien trop rarement à son goût.