(FB) Find my way (ft Ninian)

T'étais pas là depuis longtemps, quelques semaines tout au plus ? Toi qui avais perdu goût à la vie, tu te reconnectais petit à petit avec les saveurs. Personne pour te demander si t'étais une pauvre p'tite tantouze, pour te foudroyer du regard dès que tu dansais. Car toi... T'aimais ça la danse. Dès que t'avais demandé à en faire, on t'avais filé des chaussures à crampons et un ballon de foot dans les paumes. Dès que tu t'autorisais à vivre... On te culpabilisait. En quoi c'était mal ? T'avais souffert... Souffert si fort... Que t'avais fini par fuir la maison, fuguer. C'était y'a quelques semaines. C'est à ce moment là que... Alors même que tu connaissais ton quartier comme ta poche, tous les chemins se sont mis à se ressembler. Tu savais plus où t'étais... Tu savais plus où aller et l'angoisse avait étreint ta gorge. Mais t'étais quand même parti sans te retourner.

Tu savais que tu finirais par faire une bêtise si tu restais. Que tu finirais par en crever, de pas pouvoir être toi. Et ton cœur avait irrémédiablement été attiré. T'avais eu cette attirance, cette petite déduction que tu DEVAIS aller par là. Que tu devais suivre ce chemin. T'avais fini devant une boîte de strip tease. Le barman t'avais offert un chocolat chaud et t'avais demandé d'où tu venais. T'avais trop rien dit, de peur qu'il te renvoie en enfer. Puis les corbeaux étaient venus te chercher. T'avais finalement appris ce qu'était Spear Island et que... Bah... T'étais le messager choisi par le dieu de quoi ? Des p'tites fleurs, de la danse et des gays. Si pour les deux premiers, tu rentrais dans les clous... Le troisième te faisais peur. C'était vrai qu't'avais tendance à trouver les mecs agréables à l’œil. Pouvait-on aller jusque là ? T'avais cette gêne à réfléchir à ce sujet. Celui du gamin qui n'en a jamais eu l'occasion. T'as la voix de ton père sans arrêt à te balancer des horreurs, et ta tête semble essayer de faire l'inverse de ton cœur. Mais... Peut être que tu parviendrais à survivre ici. A te trouver une place en plus de te trouver toi même.

Toujours était-il qu'aujourd'hui, t'étais sorti de la trop grosse maison qu'on t'avais refilé. Une grande maison plein de chambres et de vides. Regan avait été sympa avec toi, elle t'avait dit gentiment que tu ne serais plus seul très longtemps, et tu l'espérais sincèrement. Enfin t'étais sorti comme tous les matins, pour te rendre dans la phalange qu'était la tienne. Les serpents. On t'avait tout naturellement dirigé par là. En tant que grand frère, t'avais l'habitude de t'occuper de petits bobos. Ce qu'on t'avais pas dit... C'est que parfois les bobos étaient plus gros qu'une petite écorchure. T'avais déjà eu affaire à une flèche planté dans une épaule ou ce genre de trucs. Mais ça te fascinais.

Le plus dur de ta journée... C'était quand tu devais arriver à l'endroit alloué à ta phalange, ou repartir chez toi. Toutes les rues se ressemblaient dans un imbroglio incompréhensible. Alors tu partais tôt. Mais t'arrivais jamais au bon endroit. T'avais toujours tendance à prendre le chemin qui te rassurais le plus. Mais ça te menais toujours dans des lieux... heu... D'un autre genre. Et aujourd'hui ça échappait pas à la règle. Quelques enseignes lumineuses, des silhouettes pas vraiment rassurantes. Tu regardes partout autour de toi, incertain. Non t'étais définitivement pas au bon endroit, mais t'avais l'impression d'être... Bien ici. Y'avait un truc dans ta tête qui te disais "Ariel. Reste un peu. Juste un peu.".

Ton regard absent se balade sur les bâtiments sans oser se poser trop longtemps. Parfois... Ton regard parvenait à discerner quelques choses quand il se focalisait assez. De la peau, d'autres choses... T'avais baissé les yeux sur tes pieds. Figé. Une pointe d'angoisse se fichait droit dans ton coeur. T'étais p't'être un cas désespéré, un putain de cas désespéré comme le disait si bien ton père. Ils étaient pas là. Mais l'ombre de ta famille semblait sur toi. Encore. Toujours.

Ton regard est vide. Tout se ressemble... Tout se ressemble et pourtant tu te sens bien ici, sans savoir pourquoi. Sans doute encore ton foutu pouvoir. T'avais déjà eu de mauvaises surprises depuis que tu étais ici. Tu tombais comme par hasard sur des scènes osées quand t'ouvrais un livre ou que t'allumais la télévision. Si dans un premier temps ça avait été totalement gênant, si tu t'étais éloigné de tout ça pendant une petite semaine, t'y étais revenu par curiosité, cette éternelle curiosité.

Finalement, tu vois quelqu'un qui s'approche de toi, accompagné d'un grand volatile. T'étais pas trop fan des oiseaux pour tout avouer, depuis que tu t'étais fais pincer le cul par une oie. Sale histoire que celle ci, et qui se racontait sans doute encore dans le foyer des parents que t'avais quitté sans même une pensée pour eux. T'étais un fils ingrat, qu'est-ce que tu voulais. Quand l'animal parla d'une voix croassante, crissante, t'eus un petit mouvement de recul. T'en oublierai presque de répondre au gars qui t'accoste. C'est vrai que cet endroit ressemble un peu à un gros campus des xmen. Enfin... Si les Xmen avaient des p'tits compagnons du style pégases, lutins et p'tites fées. Enfin... Il paraît que les fées étaient des saloperies. Tu t'en doutais un peu en vrai. Y'avait bien assez de légendes dans ton pays d'origine pour que tu les cataloguent facilement.

Tu avais adressé un regard un peu anxieux à l'homme. T'avais pas l'habitude de demander de l'aide. Demander quelque chose c'était attirer l'attention. Et tu voulais pas. Parce que à chaque fois, dans ta mémoire, tu te souvenais de l'ombre de ton père. Insultant. Ne montrer aucune faiblesse, aucune faille à ta carapace. Mais bon... Y'avait pas ton père, ce crétin était resté chez lui. Et il te manquais pas. Tu sentais son spectre sur ton dos régulièrement. Comme un mauvais esprit collé à tes basques, mais tu faisais avec. Alors tu desserre doucement les dents pour laisser ta voix s'échapper de cette prison d'émailles.

"J'suis perdu. Tout le temps. Tout se ressemble." Ton regard se tourne vers une nouvelle fenêtre, quelque chose te souffle de te diriger vers là. Mais tu n'y va pas, tu sais très bien ce qui va se passer. Tu glisse tes mains dans les poches trop grandes de ta veste en jean, t'as l'air de flotter dedans, faut dire que t'es juste une grande perche, pas du genre très bien bâtie. "Je fais parti de la phalange du serpent. Pourtant... C'est tout simple et on me l'a expliqué cent fois mais... ça rentre pas." Et ça rentrera jamais, même si on te répète ça dix fois de plus. Tu t'es pris le nez hier avec un mec que t'as dû soigner. Un p'tit roquet plus jeune que toi, et même lui s'est foutu de ta gueule, il te voit souvent tourner en rond comme une âme en peine. Tu chasse ce crétin de ta caboche.

Pas particulièrement bon pour l'attaque, on t'avais vite mis de côté en ce qui concernait les loups. Ton absence manifeste d'orientation était un frein pour les phalanges du renard et du corbeau. Il ne restait donc plus que la phalange du serpent. Faute d'autre chose, on t'avais foutu dans leurs pattes. C'était quelque chose de douloureux. C'était un échec, sans famille, avec une maison bien trop grande pour toi tout seul, tu t'étais retrouvé ainsi, perdu. C'était un tableau pathétique. Voilà tu f'sais pitié, mais tu croisais finalement le regard du gaillard, un petit sourire, timide et agréable barrant ton visage. T'avais toujours caché ce que tu étais aux yeux du monde. Et tu te sentais un peu plus à ta place à spearton. C'était bariolé, coloré, et t'y avais autant ta place que les autres. Mais tu secoues la tête.

"C'est... Avant j'avais un super sens de l'orientation, mais j'pense que c'est une conséquence de mon pouvoir, donc j'retrouverai jamais ça. Mais c'est pas grave on s'y fait. J'finis toujours dans des endroits peu recommandables par contre, ça c'est un peu chiant. La dernière fois j'ai fini devant la boite de strip tease. Y sont cool ils m'ont offert une limo'." Et c'était toujours ainsi. C'était comme ça dès que tu allumais la télévision, c'était comme ça dès que tu ouvrais un livre. Et t'avais fini par croire que c'était un "don" offert par ta divinité protectrice. Tu parles d'un don.

"Ouais c'est ça j'ai rendez-vous là bas. J'dois apprendre comment recoudre une plaie. On fait des p'tits ateliers, c'est sympa j'aime bien. Qui sait p't'être que je pourrais quand même être utile à cette ville." Et finalement, l'oiseau parle à nouveau, les deux ont une alchimie assez étrange, explosive même. Un timide sourire vient te bouffer les lèvres. Oh tu voyais des tas des créatures ici. Les quirins, déjà. Ton voisin en possédait un. Ce que c'était con... Mais bordel c'était joli. Chatoyant de milles couleurs. Pour ta part... T'avais rien, aucune créature pour t'accompagner. Parfois la maison te semblait vide. Regan t'avais dit trois fois que quelqu'un viendrait, mais que le moment n'était pas encore venu.

"Bonjour Ninian, bonjour Iago. Comme le perroquet dans... Le dessin animé là... Avec des tapis volants, Aladdin ? Enchanté, moi c'est Ariel. J'suis là depuis... Une semaine. Héraut de..." Tu fronces les sourcils. Un moment, essayant de former le nom de ton patron divin dans ta caboche. "xochipilli" et tu détaches chaque syllabes. En arrivant on t'avait donné des cours, sur les différents panthéons, sur le tien, en particulier.

"Oh les loups j'en ai déjà vu pas mal. Enfin... La plupart revenaient pas de mission. Des étranges histoires de bagarres pour des histoires de virilités." Enfin c'était surtout Raffaele qui venait à vrai dire. "Mais les gens ont l'air sympas et... Ouverts d'esprits ici... ça me change de chez moi. J'aime assez bien Spear." Et ton regard s'illumine un peu. Lorsque tu murmures. "Je regrette pas un seul instant d'être parti de chez moi. Z'êtes là depuis longtemps tous les deux ?" Que tu demandes, petit à petit t'es moins intimidé, moins apeuré.

T'as l'impression d'être en mode pilote automatique en ce moment. Et tu lui emboîte le pas tranquillement, avec toute la nonchalance qui te caractérise. Tu t'attaches les cheveux sur le chemin, en une queue haute. Qui sait... Généralement les hérauts débarquaient pleins de sangs, la gueule déconfite, et fallait faire vite, tu glisse tes mains dans tes poches, haussant les épaules. De toute façon tu prennais les choses comme elles venaient, et tu t'estimais chanceux. T'étais passé du statut de fugueur (car plutôt crever que de coller à l'image rêvée de tes parents. Plutôt fuir que de jouer le fils parfait, idéalisé. De toute façon ton choix avait été pris et mûri depuis des années) à celui de héraut d'une divinité... Dirons nous... Unique.

"Oh j'avoue qu'à force j'entends plus. Mais ça fait bien marrer les autres. Disney et ses ravage." Et tu secoues la tête. T'aurais peut être pu t'arrêter un instant sur le fait qu'ce corbeau parlait, et carrément bien. Mais plus rien t'étonnais pour tout dire. Des pégases, des tas de bestioles, des hérauts aux dons étranges et aussi exotiques que les tiens... Non, définitivement, tout te coulais dessus. Tu t'étais tout de même demandé si t'étais pas dans un espèce de déni chelou duquel t'arrivais pas à t'arracher.

"Heu... Je suis pas sûr que t'ais envie de chercher. C'est un dieu aztèque des fleurs, des arts, des chants, des danses, de l'extase et... Heu... De l'homosexualité." Bah... De toute façon c'était déjà écrit partout dans le moindre bouquin sur la mythologie que t'avais trouvé. C'était moyen niveau coming out. Disons que t'avais pas prévu que ce soit écrit sur ta gueule. Tu hausses les épaules. "La dernière fois il m'a mis une tonne de chansons des années 80 dans la tête, sinon quand il est pas content beh..." Tu fais un geste flou vers ta tignasse. "Il peut faire pousser des fleurs sur ma tête ou me donner l'impression que j'suis bourré pour la journée si il est mécontent mais sinon... ça va, c'est... Heu... Des trucs mineurs." Tu grattes ton poignet. Là où se trouve les fleurs de tabac qui brillent d'un éclat argenté. "Tu te moques pas hein ? Genre... On m'a pas mal rit au nez c'est chiant. J'ai pas choisi." Et tu savais que si t'allais plus loin et que si tu lançais le fond de ta pensée, tu te prendrais quelques foudres (mineurs) de cette divinité qui t'avais choisie. "J'ai dû le voir une fois en rêve sous la forme de fleurs c'était pas vraiment désagréable. Mais généralement ce n'est pas un dieu qui en demande trop." Ce n'était pas comme d'autres que tu connaissais. Surtout que le panthéon aztèque était porté sur le sacrifice de sa personne pour sa divinité. Tu penches la tête, un demi sourire aux lèvres. Trace de vie sur ton visage exsangue, ce rictus, il fait un instant pétiller tes yeux. "Mais t'es sympa, merci." Tu pointais un doigt incertain vers la bâtisse en face de vous. "C'est ici non ?" En réalité t'étais pas sûr, le bâtiment te disais vaguement quelque chose.